Priorités pour les missions centrales de l’Université
En complément de la profession de foi des listes AGIR, dans laquelle nous présentons les grandes orientations que nous voulons pour notre établissement, nous souhaitons ici développer plus précisément certains points des volets enseignement et recherche de notre projet. Quels en sont les principaux enjeux ? Quelles sont les priorités dans ces deux grands domaines, au cœur de nos missions ? Quelles réponses apporter aux difficultés soulevées par nombre de collègues quant à la structuration de la recherche et à l’organisation des enseignements ? Les questions de formation et de recherche abordées dans ce document ne couvrent pas l’ensemble du fonctionnement et des activités de l’établissement dans l’accomplissement de ces missions mais visent à répondre à des préoccupations exprimées actuellement de manière très forte dans l’établissement.
Politique de formation
Une politique de formation initiale et continue exigeante au service des étudiant.es, garantissant un cadre commun aux formations de l’établissement tout en laissant aux équipes pédagogiques la définition des modalités et de l’organisation des enseignements. Cette politique privilégie l’enseignement présentiel en licence, conçoit l’usage du numérique comme un possible apport et non un moyen de substitution pédagogique, assure dans un cadre concerté entre les composantes et les services centraux la souplesse nécessaire à l’organisation de la formation continue et des formations en alternance, organise la mise en commun de formations entre établissements du site lorsque les équipes pédagogiques la jugent pertinente et sous condition d’accords équilibrés entre les établissements.
Comme de très nombreux collègues, nous constatons que les maquettes de formation que nous nous apprêtons à mettre en œuvre à la rentrée ne sont pas satisfaisantes, notamment parce que, s’agissant spécifiquement des licences, elles imposent indifféremment à l’ensemble de nos formations une même trame et des contraintes pédagogiques identiques. Ces orientations données à l’offre de formation devront être réexaminées et donner lieu à un véritable débat dans les conseils centraux. Les groupes de travail et autres comités de suivi ont certes donné l’impression d’une construction partagée de ces maquettes, mais cette construction s’est effectuée en grande partie hors des instances statutaires. Ainsi, à ce jour, et alors même que le travail d’élaboration des emplois du temps de licence a été entamé, aucune maquette de mention de diplôme (que ce soit en licence ou en master) n’a été présentée en CFVU et fait l’objet d’un vote. Nul ne peut se satisfaire d’une telle situation qui prive cette instance et ses élu.e.s de toute capacité à examiner ce que la déclinaison de la maquette-type a engendré dans chaque formation. De même, les effets très importants que les modifications de l’offre de formation ont sur les personnels administratifs (redécoupage de responsabilités de scolarité, par exemple) n’ont pas donné lieu à discussions au sein des instances idoines (CT, CHSCT). Il est désormais plus que jamais nécessaire de donner à ces instances les moyens de discuter collégialement des effets, parfois négatifs, des transformations profondes qui ont été apportées au contenu de notre offre de formation.
A ce sujet, faut-il ici souligner que ce qui fait sens, par exemple, dans une licence en économie et gestion ne s’applique pas en (autre exemple) lettres classiques, tout comme les besoins des étudiant.es en information-communication ne sont pas ceux des étudiant.es en anthropologie. Il conviendra donc de donner aux composantes une capacité plus grande d’exprimer et de traduire dans les maquettes les projets pédagogiques que leur connaissance des disciplines leur permet d’identifier. Certaines voudront maintenir le numérique, d’autres pas, certaines l’entrepreneuriat, d’autres pas. Mais que toute une université fonctionne avec une maquette quasi-identique ne peut faire sens compte tenu de la variété et de la richesse des disciplines en présence. Pour le dire autrement, l’application à toutes les formations d’un volume horaire similaire, sur une structure semblable et avec des transversales imposées paraît à l’évidence un mouvement qui va à l’encontre de ce qui fait l’identité – plurielle – de notre université en matière de formations.
La réduction du nombre d’heures d’enseignement présentiel en TD à 17,5h par semestre en L2 et L3, (soit 10 séances de TD au lieu de 12 actuellement), sans réflexion sur le nombre d’étudiant.es par groupe va, quant à elle, conduire à des situations difficilement gérables et contre-productives du point de vue pédagogique. Ainsi, dans les filières en sur effectif, où le nombre d’étudiant.es inscrit.es dans chaque groupe de TD est aujourd’hui supérieur à 40, il ne sera plus possible de fait d’assurer un réel suivi du travail. Face à cette situation, le devoir qui s’impose aujourd’hui est d’entamer une véritable réflexion pédagogique avec les filières concernées, et, en lien avec une réflexion générale sur les marges de manœuvre, se donner comme priorité de dégager les moyens nécessaires pour réduire le nombre d’étudiant.es par TD.
Le recours au numérique, pour sa part, ne doit évidemment pas être systématiquement rejeté. Mais il s’agit avant tout d’un outil et il ne saurait constituer une fin en soi au nom d’une prétendue «modernisation » de nos formations ou incarner la « solution » toute trouvée dans une seule optique de réduction des coûts. Chaque composante, en fonction de la spécificité de ses formations, peut l’aborder de manière différente, souhaiter recourir à certains outils numériques dès les premières années de licence ou plutôt en master, mettre en place des dispositifs spécifiques en vue d’une formation à distance pour certains publics et privilégier exclusivement l’enseignement présentiel pour des étudiant.es suivant régulièrement leur cursus à l’université. Là encore, notre conviction est qu’une telle souplesse dans la mise en œuvre des outils est absolument nécessaire pour nos formations.
De même, si l’entrepreneuriat peut être pertinent et utile dès la L1 dans certaines formations, il ne l’est pas systématiquement et ne s’inscrit parfois dans aucun projet pédagogique cohérent. La mise en oeuvre de cet enseignement dans toutes les formations de la L1 à la L3, à raison de 10,5 heures par étudiant.e chaque année, dans l’ensemble de nos licences n’est pas sans conséquences pour l’établissement. Alors que nous ne parvenons pas à financer des activités pourtant essentielles à la formation de nos étudiant.es, le coût de cette opération, dès lors qu’elle s’applique indifféremment (et pas seulement là où elle présente un intérêt bien identifié) pose question. Pourtant, on le sait, ce n’est pas l’entrepreneuriat qui permettra à lui seul de valoriser nos formations et d’y attirer des étudiant.es. Pour bon nombre de filières, le choix de venir étudier à Lyon 2 dépend évidemment d’autres facteurs, comme par exemple la possibilité de suivre une seconde langue en licence. Dans un contexte où les marges de manœuvre restent limitées, poser la question de ce qui est le plus adapté aux spécificités de certaines filières est indispensable.
Plus généralement, la question de la professionnalisation mérite d’être envisagée à travers un spectre bien plus vaste que ce n’est le cas actuellement. Il importe d’abord de rappeler ici que la formation intellectuelle, les connaissances, la rigueur et les méthodes de travail, l’acquisition de compétences en langues, la mobilité internationale sont autant d’éléments qui contribuent à la construction d’une carrière professionnelle. L’acquisition des connaissances, aptitudes et attitudes de travail diffèrent selon les disciplines et les formations et doivent nécessairement être articulées aux projets pédagogiques. Aussi, la professionnalisation ne saurait se réduire au « projet professionnel personnel ». Laisser entendre cela en faisant de cet enseignement le seul gage (il en est certes un, mais pas l’unique) de notre préoccupation pour la professionnalisation revient à nier tout le travail mené par les équipes pédagogiques dans le souci de la formation de nos étudiant.es et des débouchés auxquels ils et elles pourront prétendre. Dans certaines formations, la question de la professionnalisation se pose de manière forte dès les premières années d’études (notamment DUT, licences professionnelles) et il faut s’attacher ici à préserver et développer les moyens et outils d’une insertion professionnelle efficace, sans pour autant renoncer à la qualité de formations théoriques de qualité. Ailleurs, les enjeux de la professionnalisation se situent davantage en master. S’il est alors important d’aider les étudiant.es à bien s’orienter dès la licence (le cas échéant en les sensibilisant à la construction d’un projet professionnel), c’est au niveau des masters que les moyens doivent être concentrés. En la matière, et alors qu’il est difficile, dans de nombreux masters, de financer l’intervention de professionnels ou encore de mettre à disposition les moyens techniques indispensables à l’apprentissage de pratiques professionnelles, les coûts engendrés par l’application massive et parfois peu pertinente des enseignements de transversale de licence apparaissent dommageables et méritent à tout le moins un examen responsable et concerté au sein de notre communauté.
L’ouverture sur le monde professionnel doit ainsi être menée de manière différenciée, en prêtant attention aux spécificités des débouchés tout en maintenant les apports propres à un cursus universitaire. Les DU ont toute leur place à l’université à condition qu’ils correspondent à un besoin de formation spécifique, sur lequel l’université peut procurer un apport spécifique. En revanche, il n’est pas envisageable de proposer des DU en remplacement de formations inscrites dans nos diplômes nationaux. Ou, pour le dire autrement, il n’est pas acceptable de dépecer ces diplômes pour créer des formations payantes dont bénéficiera une minorité d’étudiant.es. C’est dans le même esprit que la formation continue mérite d’être abordée, qu’il s’agisse de reprises d’études ou de formations en cours d’emploi, la formation continue s’inscrit dans les missions de l’université. A la rencontre de besoins de formation dans différents secteurs, elle doit promouvoir et valoriser une démarche, des méthodes, des modalités de rapport au savoir que seule l’université peut apporter aux acteurs professionnels. Il importe donc de défendre les atouts de la formation continue à l’université face à l’offre d’entreprises de formation privées et non de calquer notre offre sur cette dernière. C’est aussi à un meilleur accompagnement des collègues qui suivent ou mettent en place de type de formation qu’il importe de travailler.
Politique de recherche
Une politique de recherche respectueuse de la diversité de nos disciplines et de leur structuration, qui organise de manière concertée au sein des conseils et avec les directions des laboratoires la répartition des moyens et des crédits, qui défende les SHS au sein de la COMUE et qui s’attache à y développer des services de support et d’accompagnement mutualisés, notamment par la restauration d’une véritable Maison des Sciences de l’Homme intégrant les compétences et acquis attestés.
Notre université doit impérativement avoir une idée précise des forces en présence en matière de recherche. Qui d’entre nous est capable de citer un axe de travail structurant la politique de recherche de l’établissement ? Qui se sent suffisamment impliqué.e et reconnu.e dans la mise en place des collèges académiques ? Sans nécessiter de moyens supplémentaires, il s’agit de proposer une analyse de l’existant et des synergies interdisciplinaires et internationales présentes au sein de Lyon 2. À rebours d’une absence flagrante de politique de l’établissement vis-à-vis du riche potentiel des unités de recherche, il faut travailler à la mise en valeur concertée de ce potentiel inexploité et à la mise en œuvre de lignes de force en matière de recherche et de valorisation de la recherche.
Une université comme la nôtre doit tout d’abord :
- préserver et renforcer les lieux avérés de la recherche sur le site, au moment où, partout ailleurs, les forces en SHS se structurent. Face à l’énorme gâchis de la disparition des deux MSH (MOM, ISH), due en grande partie à l’inaction des principales tutelles universitaires qui se retrouvent précisément au sein de la COMUE, nous souhaitons préserver et renforcer les collectifs institués de personnels, dotés de riches compétences, en leur donnant une perspective d’avenir solide. Il nous faudra aussi œuvrer à l’indispensable rétablissement d’une MSH sur le site.
- se donner les moyens de recenser et valoriser les implications et engagements régionaux, nationaux et internationaux de ses laboratoires. L’université doit soutenir la place des SHS dans ses liens avec la société civile, les acteurs de terrain, mais aussi avec les instances décisionnaires ou ministérielles dans les différents domaines qui la concernent. Se noue et se joue ici la crédibilité des EC et de leurs unités de recherche, mais aussi celle des doctorant.e.s et notre capacité collective à demeurer des acteurs de la recherche et de la réflexion scientifique aux côtés des grands organismes de recherche.
- veiller au fonctionnement efficient de ses instances. Du point de vue du CAC et des deux commissions qui le composent, nous mettrons en place une commission permanente composée d’élu.e.s de différentes sensibilités et de personnel de la DRED et de la DRH, pour permettre un travail préparatoire sur les ordres du jour et dégager des priorités de travail. Son rôle sera de dépasser les contingences locales, de travailler en amont les dossiers afin de donner une possibilité de décision éclairée aux élu.e.s, dans le plein exercice politique de leur mandat. Cette perspective vise aussi à sortir d’un régime de « gratification », pour organiser un véritable débat et prendre des décisions collégiales sur les besoins au sein des unités de recherche (postes EC, Biats, doctorant.e.s, locaux, etc.). Les directions des laboratoires et des écoles doctorales seront invitées permanentes lors des réunions plénières, afin de construire un authentique travail en commun. Au moins une réunion par an avec les directions des laboratoires est nécessaire pour faire le point sur les orientations scientifiques de manière prospective et pour disposer d’une vision transversale dans et entre les laboratoires.
- mettre en place une véritable politique de soutien et de valorisation de la recherche. L’appui à la recherche doit être pensé en cohérence avec les besoins et les usages existants des unités de recherche, plutôt que de reposer sur une logique insensée de recours « aux marchés » souvent contre-productive et plus coûteuse. Au lieu d’imputer aux laboratoires le manque d’informations relatives à leurs contrats de recherche, de mandater des chargés de mission pour « dénicher » de manière improbable les publications internationales des unités, la DRED doit avoir les moyens de recenser les nombreux écrits produits par les unités de recherche pour mieux les valoriser ; elle doit pouvoir participer, sur invitation ponctuelle, aux conseils et/ou assemblées des laboratoires, constater les vraies carences matérielles, de gestion administrative, de locaux, de montages de contrats de recherche à différentes échelles. La transversalité avec les services du budget et de l’international prendra alors tout son sens. Comment faire face à la demande extérieure lorsque, du fait de la logique budgétaire actuelle , le moindre budget entrant en février ou en mars ne peut être consommé qu’à partir du mois de juin ? Comment concevoir une politique d’encouragement au montage de projets européens et internationaux sans cellule d’aide et sans connaissance de ce qui véritablement se fait à l’intérieur des laboratoires ? Comment accueillir des chercheur.e.s et doctorant.e.s étranger.e.s lorsque notre université se montre si peu accueillante ? Comment valoriser notre potentiel de partenariats avec la société, ses organismes, agences, acteurs du public et du privé, collectivités, lorsque le seul circuit des conventions est celui de leur signature formelle ? La mise en place de conventions de partenariat, de contrats de recherche ne peut plus se faire de façon artisanale, mais selon une logique pérenne, seule à même de faire reconnaître l’Université comme un partenaire crédible et pertinent.
- Les unités de recherche d’une université comme la nôtre doivent également pouvoir compter sur un financement récurrent clair dans ses modalités d’attribution. Ce soutien de l’établissement, s’il ne veut pas prendre la forme d’un saupoudrage, doit tenir compte des axes forts des laboratoires (prendre en compte de façon large l’originalité de leur travail dans le champ considéré) et la manière dont ces axes s’inscrivent de manière cohérente dans la politique scientifique de l’établissement. Le financement récurrent doit par ailleurs s’articuler avec une politique forte de soutien à la recherche des financements via des appels d’offre. Le renforcement des capacités de soutien au montage de projets est donc aussi indispensable. Une université comme la nôtre peut articuler les deux logiques : soutien aux unités de recherche dans leurs projets au long cours (dotation, locaux, personnels, etc.) et soutien plus logistique aux équipes pour les réponses aux appels d’offre (soutien dans le contexte d’appels à projets nationaux et internationaux ; mise en place d’une véritable cellule d’aide à la traduction adaptée qui va au-delà de la prestation de service généraliste ; conseil juridique, etc.).
Un travail sera donc engagé de façon précise sur l’appui à la recherche proposé par l’établissement. Toutes les équipes de recherche de Lyon 2 ont des besoins évolutifs et, plutôt que de constater ou tenter d’organiser en aval des initiatives éparpillées, une politique de la recherche doit être clairement établie, en concertation avec les directions de laboratoire et avec l’ensemble des acteurs et actrices de la recherche à Lyon 2.
Les politiques de recherche et de formations ne peuvent évidemment être menées sans orientations claires dans d’autres domaines, et notamment sur la documentation et les relations internationales. Ces points seront, entre autres, abordés dans le prochain message des listes AGIR.
Défendre un service public d’enseignement et de recherche de qualité nécessite de dresser un bilan de nos fragilités, de fixer des priorités pour l’établissement et de se donner les moyens d’y répondre. Encore et toujours, nous réaffirmons la nécessité d’une meilleure coordination et d’un véritable travail collectif au sein de l’université : les instances doivent contribuer activement à la définition des choix et orientations concernant l’enseignement et la recherche, les équipes pédagogiques et les laboratoires doivent être associés aux décisions, les services doivent être impliqués dans ces processus.